Entre un budget explosé, un désaveu du nouveau président américain et des déficiences à corriger, Lockheed Martin doit gérer une vague de critique. Décryptage d'un développement fiasco avec Massi Begous, directeur associé du cabinet Roland Berger, en charge de l'industrie aéronautique.
L'année 2017 s'annonce compliquée pour le F-35. L'avion de chasse, développé depuis 2001 par Lockheed Martin, enchaîne les mauvaises nouvelles depuis quelques mois. Il y a d'abord eu la charge de Donald Trump, président des Etats-Unis. Fin décembre 2016, c'est le programme de développement qui subissait, sur Twitter, les foudres du milliardaire américain qui allait jusqu'à demander à Boeing "un prix pour son F-18 Super Hornet". Cette idée avait déjà effleuré l'esprit du Canada, un mois plus tôt. Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, avait d'ailleurs promis de retirer son pays du programme lors de sa campagne électorale de 2015. Mais cela reste encore confus. Selon Massi Begous, directeur associé du cabinet Roland Berger, en charge de l'industrie aéronautique : "Le Canada ne s'est pas retiré du programme F-35, parce qu'il est difficile d'en sortir. Il a néanmoins demandé une proposition sur le F-18 de Boeing."
Un budget quasi doublé
Pour le consultant, ces déclarations ne seraient peut-être pas à prendre au pied de la lettre. "Concernant la demande faite à Boeing pour des F-18 Super Hornet, il faut faire la part de ce qui relève de la pression sur Lockheed Martin et ce qui donnera lieu à une vraie commande." Le nouveau président des Etats-Unis s'est d'ailleurs entretenu avec la présidente du groupe de défense. "Donald Trump a obtenu auprès de l'industriel une réduction de 600 millions de dollars sur la tranche 10, qui comporte 90 avions, soit une réduction d'environ 7 millions de dollars par avion", précise Massi Begous.
Par ailleurs, le milliardaire s'est réjoui d'une autre baisse, du coût unitaire des appareils cette fois-ci. Mais cette décision avait déjà été actée sous l'ère Obama. Il reste néanmoins un point sur lequel aucune indication n'a été donnée : "Pour l'heure, on ne sait pas qui va payer les coûts de développement nécessaires pour faire passer le F-35 d'un coût unitaire de 120 millions de dollars à 85 millions", indique Massi Begous.
Car c'est bien l'argent qui reste au cœur des inquiétudes, et le coût du programme en particulier. Lors de son lancement, un budget de 233 milliards de dollars avait été attribué au développement du F-35. Aujourd'hui, il a explosé à plus de 400 milliards de dollars pour devenir le programme de défense le plus cher jamais entrepris par les Etats-Unis. Pour autant, ces dépassements resteront sans conséquence pour le constructeur américain, d'où l'agacement de certains pays contributeurs. "Les achats de matériels de défense aux Etats-Unis fonctionnent en cost plus, détaille Massi Begous. Cela signifie qu'aucune sanction n'est infligée à un industriel s'il dépasse les coûts de production d'un programme. En France, un prix fixe et ferme est déterminé. Il appartient ensuite à l'industriel de rester dans ses coûts. Une entreprise peut donc perdre de l'argent si les coûts de développement explosent."
A cela s'ajoute un rapport du Pentagone remis début 2017, qui étrille le F-35. D'après lui, l'avion serait sujet à plus de 200 déficiences graves à corriger. Pire, le chasseur américain nouvelle génération ne serait pas "combat ready" avant 2019. "Dans tous les programmes, il y a des problèmes techniques au départ, assure le directeur associé de Roland Berger. Il faut parfois compter 10 ans après le premier vol pour qu'un avion militaire soit pleinement opérationnel." Cela fait maintenant 11 ans que le premier vol du F-35 a eu lieu, et les ennuis techniques demeurent.