C’est en date du 23/12/2016 que les quatre derniers Su-34 de 2016 ont été livrés par l’usine NAPO au 277ème BAP de Khurba (près de Komsomolsk-na-Amour, Krai de Khabarovsk).
L’arrivée de ces appareils clôt donc le programme de livraison 2016 comportant 16 Su-34. De plus, avec la mise en service de ceux-ci: on dénombre 98 Su-34 (7 prototypes et 91 de série) actifs en Russie.
L’usine NAPO ayant produit deux appareils supplémentaires non-prévus dans le plan pour 2016 (à l’instar des années antérieures), il est fort probable que ces appareils seront livrés d’ici à la fin de l’année ou au début de 2017.
Si cette hypothèse se confirme; le 100ème Su-34 rejoindra les rangs des VKS sous peu, marquant ainsi une étape symbolique dans le renouvellement de la flotte de bombardiers tactiques des VKS.
Ces livraisons sont l’occasion de revenir sur cet appareil et sur son historique.
Le Su-34, historique
C’est en 1977, au tout début de la mise au point du Sukhoï T-10 (futur Su-27), que germe l’idée d’un nouvel appareil capable de remplacer le Su-24. Ce dernier étant un bombardier tactique à géométrie variable chargé d’assurer des missions de:
- Pénétration à basse altitude par tous les temps
- Frappes tactiques de précision (avec armement conventionnel ou nucléaire)
- Suppression des défenses anti-aériennes (SEAD).
Le Su-24 (Code OTAN: Fencer) effectua son premier vol le 2 juillet 1967 (sous le nom de projet T-6) avec Vladimir Ilyushin aux commandes. La mise au point du Su-24 fut extrêmement laborieuse avec la perte de pas moins de 10 appareils et 13 pilotes d’essais!
Différentes versions du Su-24 furent mises au point dont notamment le Su-24M, version modernisée, qui effectua son premier vol le 24 juin 1977 avant une sortie d’usine des premiers exemplaires de série dans le courant de l’été 1979. Entre 1.300 et 1.400 Su-24 (toutes versions confondues) ont été produits entre 1972 et 1992 à l’usine NAPO de Novossibirsk et cet appareil fut largement exporté auprès des clients habituels de l’URSS (Algérie, Iran, Libye, Syrie, etc…).
Cependant, le Su-24 est un appareil réputé onéreux à entretenir (les ailes à géométrie variable ne sont certainement pas étrangères à ce coût) et complexe à piloter. Divers projets de modernisation plus poussés (Su-24BM notamment) furent étudiés mais ces solutions furent abandonnées au profit d’un nouvel appareil repartant d’une page blanche.
Bien que les premiers travaux aient déjà été réalisés sur initiative du bureau d’étude depuis 1977, c’est en date du 19 juin 1986 que le gouvernement Soviétique publie un décret qui marque le lancement de l’histoire officielle du Su-34. Le but étant de développer une version « chasseur bombardier » (истребитель-бомбардировщик) du Su-27 alors en cours de mise au point.
Les ingénieurs de l’OKB Sukhoï continuèrent leur travail, à un rythme beaucoup plus intensif qu’auparavant, en travaillant notamment sur la base du Su-27UB et sa configuration en tandem tout en installant une avionique intégralement modifiée; adaptée et optimisée pour les frappes au sol.
Le projet reçu le code T10V (pour rappel, le code T-10 est celui du Su-27) et la désignation Su-27IB (истребитель-бомбардировщик).
Faisons une petite parenthèse; comme nous le verrons par la suite, le Su-34 est équipé du système de contrôle de tir Sh141 comprenant notamment le radar V004. Ce système de tir bien qu’employé par le Su-34 fut à la base développé pour le Sukhoï T-60S. Ce dernier projet étant un bombardier moyen (masse envisagée de 90 tonnes) dont le développement débuta vers 1984 pour finalement être annulé peu après la chute de l’URSS et dont le but premier aurait du être de remplacer le Tu-22M3. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’en 2017, il n’existe toujours aucun appareil apte à remplacer « intégralement » le Tu-22M3.
Mais soit, ce n’est pas le sujet du jour.
Après avoir passé une phase d’évaluation technique du projet en mai 1988, l’option du cockpit en tandem « à la Su-27UB » fut définitivement abandonnée et une nouvelle configuration validée.
La nouvelle configuration reprenait le concept du Su-24 avec le pilote et l’officier du système d’armes (WSO) assis côte à côte; cette configuration se révèle plus efficace d’un point de vue ergonomie et charge de travail pour l’équipage. Ce nouveau cockpit permet également de libérer plus de place pour le personnel et améliore le confort à bord. Ceci est extrêmement utile sur un appareil amené à assurer des vols longs et donc potentiellement fatigant pour le personnel.
Mis ensemble, les éléments précités furent donc décisifs dans la définition de la configuration finale de l’appareil. Le Su-27IB était né.
Ajoutons aussi que si la configuration du Su-24 servit d’inspiration aux ingénieurs, c’est le Su-27KUB (projet mort-né d’une version aéronavale d’entraînement et d’attaque) qui servit de base pour la configuration sélectionnée sur le futur Su-34. Le Su-27KUB faisant l’objet d’un dossier venir, nous ne nous attarderons pas sur cet appareil.
L’équipe chargée du développement du Su-27IB était dirigée par R.G. Martirosov et c’est en 1987-1988 que le design définitif de l’appareil fut défini. Une fois le concept validé (et l’option basée sur le Su-27UB écartée), les techniciens purent débuter la construction du premier prototype.
Le premier prototype portant la dénomination T10V-1 sera construit en 1989-1990 dans les ateliers de Sukhoï à Moscou sur base d’un Su-27UB. L’avant typique du Su-27IB (donc tout l’avant du fuselage) fut greffé sur un fuselage de Su-27UB; l’appareil présentait plusieurs différences avec les appareils de série; notamment la présence de dérives plus hautes, d’un atterrisseur principal à une roue, la présence de stabilisateurs verticaux inférieurs et d’un cône de queue court.
Le premier Su-27IB effectua son premier vol le 13 avril 1990 avec Anatoly Ivanov aux commandes. L’appareil reçu le B/n « 42 Bleu« . Ce prototype servira ensuite à tester les systèmes d’auto-défense de l’appareil et il a été actif au moins jusque 2005.
Les prototypes suivant seront produits à l’usine NAPO de Novossibirsk, où étaient déjà assemblés les Su-24. Le premier prototype produit dans cette usine sera le T10V-2 codé « 43 Bleu » qui volera pour la première fois le 18 décembre 1993. Ce prototype présentait déjà toutes les caractéristiques des appareils de série avec notamment le train d’atterrissage renforcé avec deux roues en tandem. Peu après sa présentation au début 1994, l’appareil reçut sa dénomination définitive: le Su-34 était né.
Deux prototypes statiques, les T10V-0 et T10V-3 suivront et il faudra attendre le 28 décembre 1994 pour voir le T10V-5 (codé « 45 Blanc ») prendre l’air, ce prototype sera le premier à recevoir en 1996 le radar V004. Mais ce n’est que le 31 octobre 2000 que le radar sera employé pour effectuer un tir de missile Kh-31A. Ce prototype sera réformé le 5 mars 2002 suite à un incident en vol lors du tir d’une bombe KAB-1500. A titre d’anecdote, signalons que cet appareil sera présenté au 41ème salon du Bourget en 1995.
Le T10V-4 (oui ce dernier suit le T10V-5…) codé « 44 Blanc » sortira d’usine le 25 décembre 1996, il fut employé notamment pour des tests de ravitaillement en vol, de stabilité et de tirs d’armement.
Le T10V-6 codé « 46 Blanc » sort d’usine le 27 décembre 1997, l’appareil sera équipé du radar V004 et du système de ciblage Platan d’abord en version simplifiée avant de recevoir une suite complète en octobre 2001 et d’être envoyé à Akhtubinsk au centre d’évaluation de l’armée de l’air.
C’est le T10V-7 codé « 47 Blanc » sorti d’usine le 21 décembre 2000 qui présente (enfin!) la suite électronique complète: avec radar V004, système de ciblage Platan et équipement de brouillage Khibiny. L’appareil sera également envoyé à Akhtubinsk au centre d’évaluation de l’armée de l’air.
Le dernier prototype; le T10V-8 codé « 48 Blanc » effectue son premier vol le 20 décembre 2003 et est également doté de tous les équipements qui seront montés sur les appareils de série.
Résumé des prototypes;
On peut voir qu’il s’est écoulé pas moins de 13 ans entre la sortie du premier prototype et celle du dernier. Inutile de préciser que la chute de l’URSS et la disparition des financements auront eu un impact dévastateur sur la vitesse de réalisation du programme.
Le Commandant en chef de l’armée de l’air Russe, Vladimir Mikhailov, déclara à la fin de 2002 au sujet du programme Su-34 que l’appareil avait effectué plus de vols d’essais sur une année que lors des 7 années précédentes! Particulièrement mécontent des résultats et conscient que l’appareil était crucial pour les VKS, il exprima clairement le fait que si l’appareil n’était pas prêt rapidement: le projet serait définitivement arrêté.
Si il est vrai que la mise au point fut d’une lenteur extraordinaire, le Commandant Mikhailov semblait oublier que la quasi disparition des budgets était LA cause principale de ce retard; dans cette situation le constructeur ne pouvait pas faire des miracles.
Les VKS ne pouvant pas attendre plus longtemps; certains Su-24M furent modernisés au standard Su-24M2 en vue de leur permettre de rester en première ligne plus longtemps vu le retard encouru par le programme Su-34. Cette modernisation étant en partie financée par la vente à l’export d’appareils stockés.
Ce retard aura un autre impact sur l’appareil, les technologies ont fortement évolués entre 1990 et 2003; les VKS ont demandés en décembre 2003 une mise à jour des équipements de l’appareil. Les « 46, 47 et 48 Blanc » recevront de nouveaux équipements (notamment au niveau de l’avionique) avant de suivre une nouvelle campagne de tests d’homologation.
Ces derniers se termineront le 30 septembre 2006. Ils seront suivi en octobre 2006 par l’acte officiel de finalisation de la première étape d’évaluation de l’appareil; ce qui autorise de facto les VKS à débuter les opérations avec le Su-34.
La deuxième étape d’évaluation de l’appareil se termine en date du 19 septembre 2011 avec la signature par le Commandant en chef des VKS, Alexander Zelin, du document recommandant le Su-34 pour le service.
Finalement, c’est en date du 18 mars 2014 que le président Vladimir Poutine signe le décret admettant le Su-34 au service actif au sein des VKS. Que de chemin parcouru depuis 1986 pour en arriver là…
Avant de clôturer ce chapitre, attardons-nous un instant sur les dénominations de l’appareil. Si l’appareil est né sous la dénomination Su-27IB, il a également porté d’autres dénominations.
Lorsque le T10V-5 fut présenté au salon du Bourget en 1995, Sukhoï le présenta non pas sous la dénomination Su-27IB mais sous la dénomination Su-32. Bien que cette dénomination n’ait pas été reprise par les VKS, elle semble toujours être employée pour désigner les appareils produits pour l’export.
L’OKB Sukhoï ayant manifestement envie de complexifier les choses, toujours dans le cadre du salon du Bourget de 1995; le Su-34 fut présenté dans une variante navale spécialisée, le Su-32FN. Cette version devant – en théorie – emporter la suite électronique « Sea Dragon » optimisée pour les opérations navales et la lutte anti sous-marine; l’appareil aurait pu emporter des bouées dans un container ventral. Ce projet ne fut jamais réalisé.
Et histoire de pimenter le tout; le Su-34 fut parfois appelé par son constructeur Su-32MF (« Multi Functional« ), certainement pour des raisons de marketing. Heureusement, cette dénomination semble également avoir disparu définitivement.
Le Su-34 au service actif
Bien que les VKS avaient un besoin urgent de renouveler la flotte d’environ 250-300 Su-24(M) actifs héritée de l’URSS, les manques de budget et le temps nécessaire au développement de l’appareil ont fortement retardés les premières commandes.
Mais ce n’est pas le seul facteur. En effet, comme indiqué auparavant: c’est l’usine NAPO de Novossibirsk qui assurait la production de Su-24M jusqu’en 1992… Logiquement, la production de Su-34 (Code du projet: Izd.66) aurait du prendre le relais. Sauf que les budgets pour ce faire avaient été taillés avec une faucille et écrasés avec un marteau…
Bref, l’usine de production devait survivre avec la production de moins d’un appareil prototype par année (et encore!); elle passa donc à la production de portes en acier, de biens de consommation, etc… Inutile de préciser que toute l’expertise ou presque du personnel hérité de l’URSS fut perdue en même pas 10 ans.
La production du Su-34 nécessita de;
- Recruter et former du personnel
- Rééquiper l’usine en machines outils et équipements de production modernes
- Créer une chaine logistique de sous-traitants pour la fourniture des équipements
- Mettre en place un management moderne permettant d’obtenir des cadences de production importantes et de maintenir les coûts de production bas
C’est pourquoi, le premier contrat signé en 2005 et concernant l’acquisition de 18 appareils devant être livrés pour 2008 prévoyait un prix unitaire d’environ 37 millions d’USD. A titre de comparaison, les appareils du contrat suivant ne coûtèrent que 30 millions d’USD; la différence entre les deux montants s’expliquant par le besoin de « subsidier » le rééquipement de l’usine.
Un autre élément qui explique également cette diminution des coûts est à trouver dans la réduction du temps de production nécessaire; alors que les premiers appareils nécessitaient pas moins de 460.000 heures (!) de travail, ce temps fut réduit au fur et à mesure à 170.000 heures de travail pour obtenir un Su-34 fin prêt à voler.
C’est le 15 décembre 2006 que les deux premiers Su-34 de série, codés « 01 et 02 Rouge », furent livrés, ils seront envoyés à Lipetsk au centre d’entraînement des VKS. Le planning de livraison de 2007 et 2008 ne furent aucunement respectés et après la livraison de 3 appareils supplémentaires; l’Etat Russe annula purement et simplement la commande!
Mis sous pression par l’armée de l’air Russe, le ministre de la défense passa une nouvelle commande le 10 novembre 2008 pour 32 Su-34. Les livraisons étant planifiées entre 2010 et 2013. Celles-ci se déroulèrent sans problèmes; il apparaît que l’usine NAPO fut réorganisée et correctement rééquipée en vue d’assurer une production stable et continue de Su-34.
Cette commande fut suivie par une nouvelle commande de 92 appareils signée en date du 25 février 2012. Elle prévoit des livraisons étalées jusque 2020. Les déclarations récentes du Ministre de la Défense parlent d’une cible de 200 Su-34. Des commandes supplémentaires seront donc passées à terme. Reste à voir si ce sera pour le Su-34 ou sa variante modernisée le Su-34M.
La mise en service des premiers appareils ne se fit pas sans difficultés, les forces aériennes russes se plaignant d’ailleurs à plusieurs reprises de gros problèmes informatiques ainsi que du fait que les appareils étaient montés différemment… ces problèmes seront résolus via un retour en usine pour certains Su-34.
D’un point de vue des affectations, 6 bases disposent actuellement de Su-34;
- Akhtubinsk; 2 appareils
- Baltimor; 47 GvSAP; 24 appareils (2 escadrons)
- Khurba; 277 BAP, 16 appareils (2 escadrons en cours d’équipement)
- Lipetsk; 10 appareils
- Morozovsk; 959 BAP, 36 appareils (3 escadrons)
- Base de Khmeymim, Syrie; 4 appareils
Si les premiers appareils livrés ont été envoyés à Lipetsk et à Akhtubinsk pour les entraînements et évaluations; c’est sur la base de Baltimor que furent réceptionnés les 24 premiers Su-34 (2 escadrons) opérationnels. Les appareils, constituant le 47 GvSAP, étant livrés entre décembre 2010 et octobre 2013.
Le 959 BAP de la base de Morozovsk est le deuxième régiment équipé de Su-34, avec une dotation de 36 Su-34 (3 escadrons) mis en service entre le 18 novembre 2013 et le 7 octobre 2015. Cette base abrite actuellement la plus grosse flotte de Su-34 des VKS.
Le 277 BAP de la base de Khurba est le troisième régiment équipé de Su-34; et ce, en remplacement des Su-24M2 en dotation. Il y a actuellement 16 appareils actifs, ce nombre passant à 24 dans un futur proche; de manière à pouvoir disposer de deux escadrons actifs.
Les appareils en dotation à Lipetsk et Akhtubinsk ont un statut un peu particulier; en effet, ils servent à l’entraînement et la formation des pilotes. Ils ne sont donc pas employés en 1ère ligne pour des missions offensives.
Signalons également que 4 Su-34 sont déployés en Syrie sur la base de Khmeymim. Nous y reviendrons plus loin.
L’usine NAPO semble avoir atteint sa vitesse de pointe en matière de production puisque les livraisons annuelles sont fixées à 16 appareils et pour la deuxième année consécutive; deux appareils supplémentaires sont sortis des chaînes. L’année 2017 ne dérogera pas à ces chiffres, puisque Interfax a annoncé il y a quelques jours la livraison planifiée de 16 appareils.
A l’heure où ces lignes sont rédigées; il y a 98 Su-34 (dont 8 prototypes) actifs en Russie et si on y ajoute les deux appareils supplémentaires de 2016 qui ne sont pas encore livrés; on passe le « cap » des 100 appareils produits.
Le Su-34, description technique
La description technique du Su-34 étant relativement longue et fourmillant de détails techniques; elle sera donc subdivisée de manière à faciliter sa lecture et donc sa compréhension.
Présentation générale
Le Su-34 est un bombardier tactique bimoteur issu du Su-27 Flanker dont il partage les grandes lignes générales; la structure des ailes, le fuselage, les moteurs et la partie arrière du Su-34 sont identiques à ceux des Su-27/Su-30.
Par contre, l’avant du fuselage est entièrement redessiné; le Su-34 dispose d’un cockpit spacieux où le pilote et l’officier système d’armes sont assis côte à côte, ce cockpit se prolongeant dans une sorte de bosse qui abrite de l’équipement.
Le Su-34 présente également un nez « plat » au profil très particulier qui lui vaut parfois les surnoms de « Hellduck » (« Canard de l’enfer ») et/ou « Platypus » (Ornithorynque). Le nom de code OTAN est « Fullback« .
A l’inverse du Su-27, le Fullback présente une configuration à trois plans avec l’ajout de plans canards, ce choix technique a été nécessaire en vue de conserver une grande maniabilité à l’appareil malgré l’augmentation de sa masse principalement à l’avant de l’appareil suite au montage du radar V004 et d’une baignoire en titane pour protéger l’équipage.
Le Su-34 présente les dimensions générales suivantes:
- Envergure: 14,7m
- Longueur totale: 24,8m
- Hauteur maximale: 6,084m
- Masse à vide: 20 tonnes
- Masse normale au décollage: 38,24 tonnes
- Masse maximale au décollage: 45 tonnes
Armements
L’appareil peut emporter 8 tonnes d’armement répartis sur 12 points d’emports; quatre points sur chaque aile, deux points sous les entrées de prise d’air et deux points en tandem situés entre les moteurs.
On peut clairement parler de vaste arsenal lorsqu’il s’agit de qualifier les emports possibles du Su-34; la quasi-intégralité des munitions guidées et non-guidées russes disponibles font partie de sa dotation et en outre, il est à même d’emporter plusieurs missiles air-air modernes lui permettant donc d’assurer efficacement son auto-protection, ce qui n’était pas le cas de son prédécesseur.
A l’instar des autres membres de la famille Flanker, le Su-34 emporte un canon interne GSh-30-1 (de 30 mm) alimenté par 150 obus.
Au niveau des capacités de guerre électronique – même si nous y reviendrons plus loin – le montage de pods Sorbitsya(et par la suite Khibiny) est possible à l’extrémité des ailes; cependant cette configuration fait perdre deux points d’emports à l’appareil.
Radar et système de tir
Le Su-34 dispose du système de tir Sh141; ce dernier étant le véritable « coeur » de l’appareil. Ce système comprend trois éléments principaux:
- Le radar V004
- Le système de ciblage Platan
- Un calculateur K-030B (Baget-10V)
Le radar V004 est un radar PESA produit par Leninets à Saint-Pétersbourg. Ce radar est composé d’une antenne fixe de 1.250 x 850 mm et il dispose de plusieurs modes de fonctionnement par tous temps en air-air et air-sol. Ce radar est optimisé pour assurer la détection et le suivi de cibles terrestres et ainsi assurer leur destruction par l’emploi de munitions guidées.
Employé en mode air-sol, le V004 peut engager deux cibles en même temps; lorsqu’il est employé en mode air-air, il peut engager quatre cibles simultanément (avec emploi de missiles R-77-1). Il dispose d’une capacité de détection évaluée à 200-250 Km pour une cible au sol tandis qu’il peut détecter un chasseur à une distance variante de 90 à 120 Km. Le radar permet également un suivi du terrain et il offre donc la possibilité de faire des vols en très basse altitude en toute sécurité. Les performances nécessitent cependant d’être affinées vu que les sources Russes sont très silencieuses sur la question et l’appareil a connu des mises à jour de ses softwares au fur et à mesure des livraisons.
Le système est complété par un système de ciblage électro-optique produit par UOMZ et dénommé Platan; ce dernier est monté sur le dessous de l’appareil et assure le suivi et le ciblage de cibles au sol par tous temps.
Le Platan est implanté sur le dessous du fuselage entre les réacteurs et en avant des entrés d’air. Il est intégré au sein de la structure de l’appareil et lorsqu’il est employé il se déplace vers le bas pour cibler le sol. Contrairement à un pod externe qui dispose d’un débattement plus important, le Platan est limité mécaniquement par son implantation dans l’appareil. Le Platan dispose également d’un GRPZ ATT, système qui permet de suivre automatiquement deux cibles en même temps.
Par contre, contrairement à ce qui est régulièrement indiqué; l’appareil ne dispose pas d’un radar dans son cône de queue. Cette option avait bien été étudiée par les Russes mais finalement rejetée.
Le calculateur K-030B (Baget-10V) est chargé de centraliser les informations issues du radar V004 ainsi que du système de ciblage Platan et les transfère à l’équipage où elles sont affichées dans le cockpit sur des écrans multifonctions.
Motorisation et performances
La motorisation est assurée par deux Saturn AL-31F offrant une puissance de:
- 74,5 kN en poussée sèche
- 122,6 kN en postcombustion
Les moteurs ne sont pas équipés de tuyères à orientation variable, par contre des tests ont été réalisés avec un Su-34 équipé d’AL-31FM1 (Izd.99M1) offrant une poussée maximale de 132,4 kN chacun. Les performances supérieures offertes par ce moteur permirent d’améliorer le plafond et la capacité d’accélération mais cet essai n’a pas été suivi d’un montage de série. La possibilité de « retrofit » de la flotte actuelle existe cependant.
Le Su-34 peut atteindre la vitesse maximale de 1.900 Km en altitude et de 1.400 Km au niveau de la mer (en configuration lisse); ces vitesses sont moins élevées que celles du Su-27; notamment car les entrées d’air des moteurs du Su-34 ont été simplifiées et sont fixes. L’appareil peut atteindre une altitude maximale de 15.000m, la limite de tolérance de la structure de l’appareil étant fixée à 7 G.
D’un point de vue de l’autonomie, le Su-34 emporte 11,4 tonnes de carburant en interne et de plus il peut transporter 3 réservoirs largables externes de 3.000 litres chacun. Le Su-34 est conçu pour pouvoir rester en l’air durant 10 heures (limite en huile pour les moteurs). L’autonomie de l’appareil en convoyage est de 4.000 Km, son rayon d’action étant de 1.100 Km (sur réservoirs internes).
Le Su-34 a besoin de 1.260 m de piste pour décoller et de 1.100 m pour atterrir; l’appareil repose sur un train d’atterrissage solide comprenant deux roues parallèles sur l’atterrisseur frontal et deux roues montées en tandem sur les atterrisseurs principaux. Il peut bien évidemment opérer à partir de pistes sommairement aménagées.
Le Su-34 est ravitaillable en vol via une perche rétractable implantée près du cockpit du côté du pilote. L’appareil peut également servir de ravitailleur via l’installation d’un pod UPAZ en position ventrale mais cette possibilité ne semble pas avoir été exploitée tant qu’à présent.
Equipage et systèmes de vol
L’appareil dispose d’un cockpit logé dans une baignoire en titane de 17 mm d’épaisseur qui a pour but d’assurer la sécurité de l’équipage lors de frappes effectuées à basse altitude. Toujours dans le même optique, les réservoirs à carburant sont renforcés et auto-obturants, des plaques de blindages ayant été installées pour protéger certains systèmes exposés de l’appareil (trains d’atterrissage, certaines zones inférieures du fuselage, et les réservoirs d’ailes). Les principaux systèmes de contrôles de l’appareil sont conçus avec une redondance accrue vu le besoin de pouvoir résister aux tirs d’armes de petits calibres.
Le cockpit de l’appareil se prolonge vers l’arrière et sa configuration permet aux membres d’équipage de se tenir debout, ce dans un souci de rendre le travail plus confortable. La climatisation de l’appareil permet aux équipages de se trouver à 10.000m d’altitude mais avec la pression intérieure équivalente à 2.500 m d’altitude. Ceci dans le but d’enlever le besoin de porter un masque en plein vol.
La zone en arrière du cockpit contient un réchaud électrique pour les aliments ainsi qu’un urinal portatif; ces deux éléments étant plus que nécessaires dans le cadre de vol de longue durée. On est cependant loin des « cuisines et toilettes » dont on entend souvent parler lorsque le Su-34 est cité et/ou discuté. Ceci relève de la légende urbaine, sans plus.
L’accès au cockpit ne se fait pas par la verrière, celle-ci étant fixe, mais par la trappe du train d’atterrissage avant. Les deux membres d’équipage sont installés sur des sièges éjectables zéro/zéro NPP Zvezda K-36DM.
D’un point de vue technique; le pilotage s’effectue selon le concept de HOTAS (Hands On Throttle And Stick), ceci indiquant que le pilote dispose de toutes les commandes de base sur le manche à balais et sur la manette des gaz. Le Su-34 dispose d’un système de contrôle de vol électrique quadruplexé du type SDU-10M2 ce dernier étant complété par un système de secours mécanique permettant de ramener l’avion au sol en cas de défaillance des commandes électriques. L’officier du système d’armes dispose d’un manche à balais mais pas d’une manette des gaz.
L’équipage dispose d’un cockpit du type « tout écran » avec la présence de 5 écrans LCD multifonctions du type MFI-66complétés par 2 écrans latéraux PS-2. De plus, le pilote dispose d’un afficheur tête haute (HUD) SKAI-34 dérivé de celui employé sur le Su-24M. Les informations sont traitées par un système en architecture ouverte conçu autour de deux processeurs Baget-53 accompagnés de bus digitaux GOST R 52070-2004. L’affichage des informations peut se faire sur n’importe quel écran et ce en fonction des besoins de l’équipage durant les différentes phases du vol; l’ensemble du système porte le nom de SOI-34 et son intégration a été réalisée par RPKB.
Si le cockpit du Su-34 dispose de tous les éléments caractéristiques d’un cockpit moderne, ce ne fut pas toujours le cas. En effet, les premiers prototypes disposaient d’un cockpit « hybride » composé d’un mélange d’écrans CRT (tubes cathodiques) monochromes et d’instruments mécaniques traditionnels. Cette configuration évolua avec les prototypes au niveau des nombres d’écrans et de leurs emplacements avant de se figer sur le standard actuel.
Le Su-34 se caractérise également par la présence d’un cône de queue proéminent (appelé « sting » en anglais) implanté entre les deux moteurs. Ce dernier renferme notamment l’APU (Auxiliary Power Unit) du type TA-14-130-35 de chez Aerosila; les grilles latérales du cône de queue servant au refroidissement de l’APU.
Guerre électronique et systèmes de protection
Le cône de queue abrite les emplacements pour les 7 casiers APP-50A contenant chacun respectivement 24 cartouches de contre-mesures (Chaff/Flares) qui sont tirées vers le bas.
Toujours au niveau des systèmes de contre-mesures; le Su-34 est équipé d’une suite de guerre électronique et de brouillage puissante. Outre le « traditionnel » L150 Pastel qui averti l’équipage lorsque l’appareil est « accroché » par un radar (RWR), du système d’identification des menaces L082, le Su-34 a également été équipé du système de brouillage L175V Khibiny monté en interne et sur des pods aux extrémités des ailes. Ce système a fait place à sa version modernisée plus puissante: le L265 Khibiny M qui est monté de série depuis 2011.
Les pods du système Khibiny montés en extrémités d’ailes font 4,85 m de long et 0,3m de diamètre et ils pèsent environ 300 Kg chacun: ils disposent d’une capacité de brouillage dans un cône de 45° dans l’hémisphère frontal et arrière. L’installation des pods a d’ailleurs nécessité un renforcement du bout de l’aile de l’appareil et la modification du point d’emport pour ne pas perdre deux emplacements de missiles lorsque les pods sont emportés. En vue d’améliorer l’écoulement de l’air sur l’aile, notons également le montage de « wing fences » sur le dessus des ailes près des extrémités.
Le système Khibiny repose sur l’emport de deux pods pour assurer la protection de l’appareil mais en cas de besoin, le montage de deux pods supplémentaires permet d’augmenter la capacité de brouillage et de fournir une protection non plus à un appareil mais à un groupe d’appareils et ce sur une plage de brouillage accrue.
Variantes?
Bien que l’appareil soit conçu en tant que bombardier tactique, deux variantes spécifiques ont été envisagées:
- Le Su-34P (« Pomekhovyi », Brouilleur), version dédiée spécialisée dans le brouillage: le Su-34P était un appareil d’escorte équipé du système de brouillage « Kavkaz » (Caucase).
- Le Su-34R, version dédiée spécialisée dans la reconnaissance; le Su-34R devait être équipé d’un radar à vise latérale (M400) monté dans la structure de l’appareil. Le projet de recherche relatif au Su-34R portait le nom de « Syuzhet » (Sujet); l’appareil aurait pu emporter trois types de pods différents. L’UKR-RL contenant le radar à visée latérale M402 Pika, l’UKR-OE contenant une caméra Antrakt-TV et un scanner infrarouge M433 Raduga-VM et enfin l’UKR-RT dont le contenu est toujours inconnu.
Finalement, ces deux variantes ont été abandonnées: les Russes préférant conserver la souplesse d’exploitation d’un seul appareil conçu pour assurer un large éventail de missions; ces dernières variant en fonction des équipements emportés.
L’emploi de plate-formes spécialisées à l’instar des Su-24MP et Su-24MR se révèle contre-productif dès lors que le Su-34 est beaucoup plus polyvalent que ses prédécesseurs et peut remplir les mêmes missions tout en conservant ses capacités offensives et d’auto-défense. Cependant tout n’est pas perdu; les trois types de pods (UKR-OE/-RL/-RT) ont survécus à l’abandon de la version spécialisée Su-34R et ils pourront être montés sur le Su-34. Ce faisant, le Su-34 pourra offrir les mêmes capacités qu’une variante dédiée sans avoir les contraintes d’une plate-forme spécialisée.
Le radar à visée latérale M402 Pika contenu dans le pod UKR-RL pèse 350 Kg, travaille à une fréquence de 7,7 GHz et il dispose d’une capacité de détection au sol de 60 Km et de 120 Km en mer. En ce qui concerne le système Antrakt, on ne dispose pas d’infos supplémentaires pour l’instant pas plus qu’au sujet du système M433 Raduga VM. L’UKR-RT disposera de capacités ELINT (ELectronic INTelligence) mais sans plus de détails.
L’abandon du Su-34P laisse aussi une descendance; comme indiqué plus haut, l’appareil aurait du servir d’appareil de brouillage. Cependant, les Russes ont préférés suivre une autre approche: ils ont fait usage de la modularité du système Khibiny.
En ajoutant des pods supplémentaires aux pods L265 embarqués, la puissance de brouillage permet de protéger non plus un appareil mais bien des groupes d’appareils. Ces pods supplémentaires sont les L175VU-1 et L175VU-2 qui peuvent être complétés par des pods L175Sh-1 et L175Sh-0. Ces acronymes barbares cachent le fait que les différents types de pods travaillent dans des plages de brouillage différentes. Leur montage permet donc d’offrir des capacités modulables. Le système Khibiny fonctionne automatiquement en détectant, identifiant et déterminant la position de la menace; une fois ceci effectué le transmetteur envoie la contre-mesure adaptée à la menace.
Ce système est amené à évoluer puisque l’institut KNIRTI travaille depuis décembre 2012 sur le système L700 Tarentulqui doit assurer la relève du Khibiny et transformer le Su-34 en brouilleur d’escorte encore plus efficace. Peu d’informations sont connues à ce jour sur le système si ce n’est que les premières photos d’un appareil de série l’emportant ont été vues il y a quelques jours et que le L700 comporterait pas moins de 5 pods (A, B, V, G et D) travaillant sur des fréquences différentes.
D’un point de vue des livrées arborées par le Su-34; il en existe deux. La livrée originale composée de trois tons de bleus « clairs » sur l’extrados et bleu clair uni sur l’intrados des plus classiques est similaire à celle arborée par les autres représentant de la famille Flanker.
De plus, une partie des appareils arbore la livrée dite Serdyukov (du nom du ministre de la Défense de l’époque) qui consiste en un extrados dans un camouflage sombre couleur « aubergine » et un intrados en bleu clair uni. Finalement cette dernière livrée ne dura pas puisque les appareils sortant d’usine depuis le changement de MoD sont revenus aux trois tons « classiques ».
Modernisation à venir: le Su-34M
Le Su-34 est appelé à évoluer, la coutume Soviétique se perpétuant au sein de la Russie. En effet, alors que la production du Su-34 est toujours en cours; les ingénieurs Russes travaillent déjà sur la variante modernisée: le Su-34M.
Peu d’informations filtrent sur cette future version; cependant les éléments suivants sont connus;
- Nouveau système de tir Sh141M comprenant notamment le radar V004M et l’ordinateur K-030BM (on ne parle pas d’un éventuel radar AESA pour l’instant)
- Modernisation du système de ciblage Platan au standard K-102M
- Modernisation de l’avionique embarquée
- Augmentation de l’emport (passage de 8 à 9 tonnes)
Le développement du Su-34M fait suite au projet Sych qui consiste à augmenter les capacités du Su-34. Un contrat de développement a été signé par entre Sukhoï et le Ministre de la défense en date du 29 décembre 2012. Cette modernisation est divisé en sous-projets où les différents éléments sont mis au point séparément avant une intégration dans un premier prototype.
Aucune date pour la présentation de cette variante n’est connue, mais il semble que la cible de 2020 soit envisagée pour la présentation du Su-34M. Ceci serait assez cohérent avec le fait que la commande actuelle de Su-34 arrivera à son terme en 2020.
Alors qu’initialement il n’était pas prévu que les Su-34 puissent être portés au nouveau standard Su-34M; il se confirme que cette possibilité existera et qu’en fonction des besoins, les appareils existants pourront passer à ce nouveau standard également.
Le Su-34, engagements opérationnels
Les Russes ont très rapidement voulu tester l’efficacité de l’appareil et de ses équipements; ils vont même aller jusqu’à employer certains des prototypes pour évaluer l’efficacité des systèmes de brouillage en zone de guerre.
Des rumeurs persistantes – bien que jamais vérifiées – font état de l’emploi du prototype « 45 Blanc » en 1999 au-dessus de la Tchétchénie. Il semble qu’à deux reprises (en 2000 et 2002), le « 45 Blanc » a été employé pour couvrir avec son système Khibiny un raid de Su-24M engagés au-dessus de la Tchétchénie.
A défaut de confirmation officielle et devant le côté « léger » de la rumeur; ces informations sont à prendre avec de grosses réserves. Si d’un point de vue technique, cette rumeur est plausible, d’un point de vue opérationnel il semble étonnant qu’un appareil prototype soit engagé au-dessus d’une zone de guerre ne disposant pas d’une défense sol-air crédible…
Le deuxième (ou premier, c’est selon) déploiement qui est confirmé et vérifié concerne le prototype « 46 Blanc » et le premier appareil de série « 01 Rouge » qui furent déployés au-dessus de la Géorgie en août 2008. Un des appareils fut employé pour brouiller le système de défense anti-aérien géorgien ainsi que pour assurer la protection des raids de bombardiers Su-24M tandis que l’autre appareil jouait le rôle de bombardier employant des munitions de précisions.
Mais c’est à la fin de septembre 2015 que le Su-34 va connaître son véritable « baptême du feu ». Suite à un décret du gouvernement Russe datant du 30 septembre 2015, celui-ci décida de prendre une part active dans la guerre civile en Syrie en apportant un soutien aérien au gouvernement de Bachar el-Assad. Pour ce faire, les Russes déployèrent un groupe aérien sur la base de Khmeimym près de la ville de Lattakié.
Ce groupe aérien comportait initialement 6 Su-34. En date du 30 novembre 2015, pas moins de 8 Su-34 supplémentaires furent envoyés en Syrie; les appareils étant employés pour assurer des frappes de précision contre des cibles appartenant à Daesh et aux autres groupes rebelles. A noter que les 8 Su-34 supplémentaires ne vinrent pas compléter mais bien remplacer les 6 appareils déjà sur place.
De plus, suite à l’attaque et la destruction d’un Su-24M le 24 novembre 2015 par un F-16 Turc; les Russes firent un emploi plus important des Su-34 et ils armèrent systématiquement ceux-ci d’un nombre accru de missiles air-air pour leur auto-défense.
A l’inverse, l’engagement des Su-24M fut temporairement restreint et les doctrines d’emploi modifiées: les Su-34 assurant les frappes de précision en altitude, les Su-25 se chargeant de l’appui sol et les hélicoptères de combat pour les missions plus ciblées.
Le nombre d’appareils sur place a évolué au cours de l’année 2016 et il ne resterait actuellement que 4 Su-34 sur place. Les Russes ayant décidés de diminuer leur présence sur le terrain suite à la reprise d’Alep par le régime Syrien. Diminuer mais aussi réorganiser les appareils employés ainsi que leurs affectations en fonction de l’évolution des besoins opérationnels.
Mais soit, la guerre en Syrie et le déploiement Russe ne sont pas les sujets de cet article.
Signalons à titre d’anecdote que les Russes ont masqués une partie des décorations de leurs appareils (notamment l’étoile Rouge et l’indication « VVS Rossiya ») des appareils engagés en Syrie.
Le Su-34 à l’export?
Le Su-34 a déjà été présenté à plusieurs clients lors de deux campagnes; la première en 1995 au salon du Bourget avec le prototype « 45 Blanc » et la deuxième en juillet 2000 à Farnborough avec toujours le « 45 Blanc ». Comme indiqué auparavant, l’OKB Sukhoï modifia même la dénomination de l’appareil en vue de le rendre plus attractif sur le marché.
Ces campagnes et changements de dénominations n’engrangèrent pas de commandes. Cependant, l’Algérie négocie depuis plusieurs années l’achat d’un premier lot de 12 Su-32/34 (avec possibilité de monter à 40 appareils à terme) en vue de remplacer ses Su-24M vieillissants.
Contrairement à ce qui est fréquemment indiqué sur Internet; l’Algérie n’a encore passé aucune commande ferme pour l’appareil. Et ce, pour une simple et bonne raison; le Su-34 n’a reçu que récemment sa licence d’exportation par l’état Russe. Sans ce précieux sésame; l’appareil ne pouvait pas être vendu à l’export. Au vu des besoins Russes, il est assez logique de comprendre pourquoi la licence d’exportation n’a pas été accordée auparavant.
Le directeur général de l’usine NAPO annonça dans une interview au début de 2016 que les négociations avec l’Algérie se termineront fin 2016/début 2017. On peut donc raisonnablement s’attendre à une commande ferme sous peu.
Le Kazakhstan se pose aussi en candidat potentiel pour faire l’acquisition de Su-34; cependant l’achat récent de Su-30SM pourrait mettre un terme définitif à ces espoirs.
Il y a eu des rumeurs d’intérêt par la Jordanie et le Maroc pour le Su-34; mais ces dernières ne sont absolument pas crédibles et n’ont eu aucune suite.
Il est cependant assez intéressant de voir que l’intérêt pour le Su-34 a augmenté de manière sensible après le début de ses opérations en Syrie. De là à y voir un lien de cause à effet; nous laisserons le lecteur se faire sa propre opinion…
En conclusion
Dire que le développement du Su-34 fut une promenade de santé serait un doux euphémisme… en effet, la décision de créer l’appareil fut actée le 19 juin 1986 par le gouvernement Soviétique, le premier vol de l’appareil ayant lieu le 13 avril 1990 et son entrée en exploitation officielle ne suivra que le 18 mars 2014 avec la signature du décret présidentiel actant celle-ci.
Il se sera donc écoulé 28 ans (!) et un changement de régime avant de voir l’appareil être admis au service actif en 1ère ligne. Ce n’est certainement pas un record en la matière mais ce délai est exemplatif des effets dévastateurs qu’à eu la chute de l’URSS sur les programmes militaires en cours.
Ceci étant, le Su-34 est un programme crucial pour le renouvellement de la flotte aérienne Russe. Assurant le remplacement des Su-24 (et variantes) dans le rôle de bombardier tactique, d’appareil de reconnaissance aérienne et de brouilleur d’escorte, il est également à même de reprendre une partie des missions remplies par les Tu-22M3. L’avantage majeur étant que cet appareil peut assurer les missions précitées tout en disposant d’une capacité d’auto-défense crédible lui permettant d’accomplir ses tâches sans avoir besoin d’escorte.
De part le nombre d’appareils en service et en commande et si on prend en considération les projets actuels (donc amenés à évoluer) de commandes supplémentaires; le Su-34 est amené à devenir une des pierres angulaires des VKS du futur. Certes, l’appareil n’est pas parfait et il dispose encore d’un important potentiel de développement; le programme Su-34M allant dans ce sens.
L’engagement systématique des Su-34 (ou même de ses prototypes!) dans chaque conflit où les Russes ont été engagés ces 20 dernières années indique clairement l’importance de l’appareil pour eux ainsi que le besoin de le tester in extenso, de peaufiner ses doctrines d’emploi et les différentes missions qu’il peut remplir. Ces engagements permettant également de détecter et de corriger les défauts de l’appareil.
Certes le Su-34 n’est pas un appareil aussi « glamour » ou « sexy » qu’un PAK FA ou un Su-35S, mais ses missions sont au moins – si pas plus! – importantes pour les VKS que celles susceptibles d’être remplies par les programmes les plus médiatisés. Mais bon, en général on rêve plus de la Porsche du voisin que du 4×4 du garde-forestier local…
Enfin, et on a tendance à l’oublier, le Su-34 est une preuve supplémentaire que le Sukhoï Su-27 est un avion « bien né » qui a su engendrer une descendance variée et polyvalente apte à remplir des missions antagonistes allant de la supériorité aérienne à la frappe de précision au sol.
Difficile de rendre un plus bel hommage aux ingénieurs qui l’ont dessiné…
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Je tiens avec ces quelques mots à remercier « la Souris » qui m’a donné une aide importante et des plus utile pour la réalisation de ce dossier. Sa discrétion étant proportionnelle à la taille de l’aide fournie. Merci à lui.